La crise liée à la Covid-19 a accéléré la polyvalence des équipes, tout particulièrement à l’accueil et dans les espaces bar et restauration. Un phénomène fait pour durer.
Chez Mama Shelter, Citizen M ou Assas Hotels, la polyvalence des salariés n’est pas nouvelle. “La polyvalence est en place depuis une dizaine d’années dans nos hôtels, non pas pour réduire les équipes, mais pour faire de nos hôtels des lieux de vie, explique Romain Trollet, fondateur d’Assas Hotels. Chez Oh la la !, à Paris, l’entrée se fait par un café bar à cocktails. Le matin, nos réceptionnistes, formés à la caféterie, font le petit déjeuner. Dans le Rocky Pop de Flaine qui ouvrira en décembre, il y aura des chambres, des appartements et même un supermarché près de la réception : l’équipe sera commune pour le magasin et l’accueil.”
La polyvalence s’est généralisée pendant la crise sanitaire. “Il y avait un flux de clientèle très restreint dans les établissements et la nécessité de produire les mêmes services qu’avant, mais avec des équipes moins nombreuses. Cela a amené plus de flexibilité dans les postes. Le personnel de réception a fait du room service, par exemple”, observe Olivier Cohn, directeur général de Best Western France.
Une tendance de fond
Réponse de crise à une situation de crise ? Plutôt une vraie tendance de fond, répondent les professionnels interrogés. Et ce pour plusieurs raisons.
D’une part, la digitalisation, également dopée par la crise, permet désormais de limiter les tâches administratives chronophages, notamment lors du check-in et du check-out. Les équipes de réception peuvent alors passer plus de temps de qualité auprès de la clientèle, et jongler entre différentes tâches. En juin dernier, la marque de luxe Radisson Collection a ainsi ouvert un établissement à Séville : “À l’accueil, il y a des agents de relation client qui sont à la fois réceptionnistes, bagagistes, concierges, ils s’occupent du guest relation et du lobby bar. C’est une expérience client renforcée, puisque ce dernier n’a plus à chercher la bonne personne. Il y a un contact unique”, détaille Sébastien de Courtivron, directeur régional Radisson pour l’Europe de l’ouest.
D’autre part, face aux problèmes de recrutement actuels, la polyvalence peut se révéler un outil précieux. “La polyvalence rend les métiers de service plus riches, plus variés, en renforçant le contact client. Cela accroît leur attractivité”, estime Olivier Cohn. “La génération Z, qui est très flexible, très polyvalente, apprécie cette diversité de tâches”, enchérit Sébastien de Courtivron.
Une démarche qui s’anticipe
Mais pour fonctionner dans la durée, la polyvalence doit être mûrement réfléchie en amont et respecter certaines conditions. “Demander tout et n’importe quoi à nos équipes, c’est impossible. La polyvalence doit être organisée”, alerte Romain Trollet. “Dans une équipe de réception de dix collaborateurs, par exemple, cinq seront polyvalents, pour ne pas déséquilibrer les services aux heures d’affluence. Ou sinon, il faut limiter la polyvalence aux heures creuses”, souligne Olivier Petit, directeur associé chez In Extenso Tourisme Culture et Hôtellerie.
La polyvalence s’appliquera plus particulièrement aux métiers de la réception, du bar et de la restauration. “Un hôtel peut tout à fait former un réceptionniste pour qu’il sache gérer le bar, se servir de la machine à café et de la tireuse à bière. Mais il faudra conserver un barman pour les cocktails en soirée, car c’est un vrai savoir-faire. Le barman sera bien placé pour échanger le soir avec les clients, leur conseiller les endroits de sortie et jouer en quelque sorte un rôle de concierge”, poursuit l’expert.
Mais cette démarche a ses limites. “La perception client est vraiment importante. Un plongeur en tenue ne pourra pas entrer en salle pour assurer d’autres tâches, de même qu’une femme de chambre ne viendra pas apporter le petit déjeuner. Le client n’apprécierait pas forcément. Par ailleurs, certains postes ne s’improvisent pas et ne se prêtent pas facilement à la polyvalence. Pour être femme de chambre, par exemple, il y a des postures à connaître et à éviter, et ce n’est pas si facile de faire un lit”, précise Sébastien de Courtivron.
Autre critère : les espaces de réception et de restauration doivent être proches ou mixtes, pour que la polyvalence puisse être envisagée. “L’espace doit être conçu pour. Depuis la réception, il faut pouvoir voir le bar”, rappelle Olivier Petit. Enfin, l’accent doit être mis sur la formation interne afin de faire évoluer les profils et les postes.
Avec l’amicale autorisation du Journal de l’Hôtellerie