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Combien faut-il de temps pour qu’un usage devienne un droit ?

lundi 15 décembre 2014 11:18

 

 

“Si une entreprise donne, depuis deux ou trois ans, des chèques-cadeaux en fin d’année, est-ce considéré comme un usage ?”

 

Un usage d’entreprise correspond à une pratique instaurée par l’employeur qui se concrétise par l’attribution d’un avantage au profit des salariés. Cela peut être, par exemple, le versement d’une prime annuelle ou de chèques-cadeaux comme dans votre cas. Cet avantage n’est donc prévu ni par un accord de branche, ni par une convention collective, ni par le contrat de travail. Cet avantage social acquiert la qualité d’usage s’il présente à la fois un caractère de constance, de généralité et de fixité.

– La généralité signifie qu’il s’agit d’un avantage accordé à tous les salariés ou à une catégorie d’entre eux.

– L’avantage est accordé de façon constante, ce qui suppose une répétition dans son attribution (par exemple, une prime versée régulièrement pendant plusieurs années).

– L’usage est fixe, ce qui implique qu’il est déterminé selon des règles préétablies et précises, par exemple une prime dont le mode de calcul dépend d’un critère précis, même si son montant varie.

– Le salarié qui se prévaut d’un usage doit en apporter la preuve (Cass. Soc. 22 juin 1988).

La prime ou l’avantage doit donc avoir été versé un certain nombre de fois au cours des années précédentes. Il n’existe pas de durée minimale durant laquelle l’avantage doit être octroyé ou de nombre minimal de mise en oeuvre de la pratique. Les tribunaux apprécient au cas par cas, en fonction des circonstances de fait. Cependant, on peut dégager certains principes. Ainsi, un avantage dont les salariés n’ont bénéficié qu’une seule fois ou même deux fois ne présente pas la constance qui caractérise un usage selon la Cour de cassation (Cass. soc. du 7 décembre 1989, no 87-42.701 ou Cass. soc. du 3 octobre 1991, no 89-41.759). Il en est de même pour une prime mensuelle versée pendant trois mois (Cass. soc. du 20 octobre 1994, no 93-42.800).

En revanche, le versement d’une prime annuelle semble constituer un usage à partir de la troisième année de paiement. La Cour de cassation a déjà considéré que le versement pendant trois ans d’une prime de fin d’année à l’ensemble du personnel justifiant d’une ancienneté de six mois constituait bien un usage (Cass. soc. du 20 juin 1984, no 81-42.917).

Une fois que cet avantage répond aux caractéristiques de l’usage, cela lui confère certains droits et l’employeur ne peut pas le remettre en cause ni le dénoncer sans respecter une procédure particulière. Il doit notamment informer par écrit chaque salarié au préalable de la dénonciation de cet usage, ainsi que les représentants du personnel s’il y en a. L’employeur doit aussi respecter un délai de préavis suffisant entre l’information et l’application effective de la disparition de l’usage. Par exemple, un employeur décide de supprimer une prime versée ou des chèques-cadeaux remis à la fin de l’année. Il devra faire attention à respecter un délai d’information minimum (6 mois selon certaines décisions de jurisprudence), soit avant le mois de juillet de l’année en cours.

Pour répondre à votre question, vous êtes juste à la limite. Si cela fait trois ans que vous avez remettez des chèques-cadeaux aux salariés, vous ne pouvez pas les supprimer cette année, car le délai d’information pour la suppression de cet usage n’est pas respecté. En revanche, si vous ne les avez versés que deux fois, vous pouvez supprimer cet avantage sans aucun formalisme. Il convient toutefois, pour un meilleur climat social, d’informer les salariés régulièrement et d’en expliquer les raisons.

Pascale Carbillet

Avec l’aimable autorisation du Journal de l’Hôtellerie

Candidature spontanée

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