Bandol (83) Le chef étoilé Jérémy Czaplicki a mis fin aux horaires en coupures au profit de deux équipes. Une remise à plat intervenue au bon moment, concluante pour lui comme pour son personnel.
Une équipe du matin pour le déjeuner, une autre le soir pour le dîner. S’il avait en tête la démarche, c’est le confinement qui a convaincu Jérémy Czaplicki, le chef exécutif des restaurants (un gastronomique étoilé, un bistronomique, et un restaurant de plage en saison) de l’Hôtel l’Île rousse Thalazur à Bandol (Var), de franchir le pas. “Avec l’étoile, on accueillait de plus en plus de clients au déjeuner. Les temps de service constituaient déjà une journée normale. On a très vite commencé à souffrir en mise en place, à venir plus tôt, finir plus tard, embaucher du personnel”, explique Jérémy Czaplicki. Le directeur de l’établissement, Nicolas Tricot, avait également le souhait d’être plus transparent sur la question des heures de travail.
Avant le confinement, une badgeuse a été expérimentée : sans surprise, le compteur en cuisine a très vite explosé. “On pensait pouvoir gérer hors-saison mais c’est vite devenu un casse-tête !”, commente le chef. À la reprise en juin 2019, Jérémy Czaplicki tente des projections : “On sait que l’été est notre plus grosse période. Ma stratégie a été de me dire que l’on ne pouvait pas rouvrir avec les mêmes amplitudes qu’avant. Cela m’a paru évident alors de constituer deux équipes, c’était le bon moment pour remettre à plat notre organisation.”
Finies les coupures, place à une équipe du matin (7 heures-15 heures), une du soir (15 h 30 ou 16 heures-23 heures) pour les 25 salariés concernés. Si ce fonctionnement a fait augmenter la masse salariale, l’équivalent de 2 ou 3 postes, le gain a été énorme. “J’ai tout de suite retrouvé du dynamisme dans l’équipe. On a retrouvé du temps de mise en place pour travailler plus sereinement, ça nous permet aussi d’aller plus loin dans notre proposition.”
Redevenir attractif
Si les salaires n’ont pas bougé, l’argument des horaires apporte un confort certain aux salariés. “Les jeunes aujourd’hui expriment clairement le besoin d’équilibrer leur vie professionnelle avec leur vie personnelle. Le salaire, le projet et leur quotidien sont leurs critères, pas le CDI. En leur proposant un projet, en leur donnant une visibilité sur l’organisation de leur vie personnelle, on a regagné en attractivité.” Si bien que le chef n’a pas senti la déperdition de main-d’œuvre, sujet qui concerne pourtant une large partie de la profession. Les temps de trajet, notamment en pleine saison touristique, ou l’ouverture 7 jours sur 7 des restaurants ne posent, là aussi, plus de problème.
Si le pari est gagnant, le chef reste vigilant sur le management : “On passe d’une équipe entière à deux équipes distinctes. Il faut être attentif, prendre en compte le profil et les attentes de chacun et les positionner au bon endroit pour éviter les frustrations.” En revanche, c’est aussi la possibilité de proposer une évolution en interne d’une équipe à l’autre. Un projet professionnel et un confort de vie qui séduisent et facilitent les recrutements, même si l’argument n’est pas annoncé en premier lieu. “Les heures ne sont plus un sujet tabou. C’est faisable, c’est une question de volonté”, conclut Jérémy Czaplicki.
Avec l’amicale autorisation du Journal de l’Hôtellerie